Mémoire présenté par Daniel Courville
pour l'obtention de la maîtrise en communication à l'Université du Québec à Montréal
© Daniel Courville, 1993
TABLE DES MATIÈRES
Dans cette page:
Remerciements | Résumé | Liste des figures | Introduction | Conclusion
Chapitre 1 : Le son, l'espace et l'audition directionnelle
Chapitre 2 : Modèles d'analyse spatiale des systèmes électroacoustiques
Chapitre 3 : Les systèmes électroacoustiques binauraux
Chapitre 4 : Les systèmes électroacoustiques géométriques
Chapitre 5 : Le système Ambisonic
REMERCIEMENTS
Aux membres du jury: André Breton, Jean Décarie et Philippe Ménard.
À Louis Saint-Onge pour les trois documents que je lui ai commandés,
Yves Gendron et Michel Hazel du département du son de l'Office national du film (ONF) à Montréal pour leur précieuse collaboration durant les tests avec le microphone Soundfield,
Allan Nichols de Adcom Electronics de Toronto pour le prêt du microphone AMS-Calrec Soundfield Mk IV,
Guy Saint-Onge pour le manuel d'instructions du micro AMS-Neve Soundfield Mk V,
Anthony G Morris de AGM Digital pour la documentation sur le microphone AGM MR1-Mk1,
D R Easson du British Technology Group Ltd pour la documentation non publiée sur le système Ambisonic,
Ian Saint-Maurice, Philippe-Étienne Gouaillier et Dany Beaupré pour le support informatique,
Pierre Grou pour l'apport d'équipement audio,
feus B.C. Payette et Marcelle Courville pour l'appui financier,
la famille Vézina pour le support alimentaire,
le département des communications de l'Université du Québec à Montréal pour m'avoir donné l'occasion d'enseigner,
Yves Courville pour m'avoir donné l'occasion de faire mes premiers enregistrements.
RÉSUMÉ
Le présent mémoire traite des procédés et des systèmes susceptibles d'enregistrer et de reproduire le son en trois dimensions. Premièrement, ces systèmes doivent avoir la capacité de capter ou de simuler un phénomène acoustique tridimensionnel où les stimuli sonores peuvent provenir de toutes les directions autour d'un auditeur réel ou virtuel. Deuxièmement, ces systèmes doivent produire un signal, pouvant être transmis et stocké, où les caractéristiques spatiales du phénomène acoustique seront encodées. Finalement, ces systèmes doivent reproduire dans un lieu différent le phénomène acoustique original dans toutes ses caractéristiques spatiales.
Notre démarche abordera d'abord la question de l'audition directionnelle chez les humains pour constater que notre système auditif permet de déterminer, à divers degrés de précision, la direction et la distance des sources sonores dans l'espace tridimensionnel qui nous entoure. Nous établirons ensuite deux modèles de description spatiale des phénomènes acoustiques. Le modèle binaural sera basé sur le mode d'audition spatiale de l'humain. Le modèle géométrique sera basé sur une interprétation par la géométrie euclidienne des transducteurs utilisés dans les systèmes de captation et de reproduction sonores tridimensionnels. Ces deux modèles permettront une revue des différentes techniques de captation, de simulation et de reproduction sonores et une analyse objective de leurs performances en regard de la spatialisation du son. Nous voulons ainsi dégager quels sont les principes théoriques ou les technologies existantes répondant le mieux aux exigences d'un ou des deux modèles.
Le résultat de cette revue mettra en relief une technologie du nom de Ambisonic qui répond parfaitement au modèle géométrique et qui, par sa solide base théorique, permet une expansion future du système avec un accroissement significatif des performances.
LISTE DES FIGURES
1.1 Système de représentation sphérique de l'espace par rapport à la tête.
2.1 Tétraèdre régulier échantillonnant une sphère.
2.2 Harmoniques sphériques simples des trois premiers ordres.
3.1 Le capteur binaural Neumann KU 100 et le capteur binaural Brüel & Kjaer 4128.
3.2 Le SASS de Crown et la Sphère de Schoeps.
4.1 Tétraèdre régulier contenu dans un cube.
5.1 Les quatre capsules du format A du système Ambisonic.
5.2 Représentation sphérique des quatre canaux du format B du système Ambisonic.
5.3 Montage tétraédrique des capsules du microphone Soundfield.
5.4 Montage tétraédrique des capsules du microphone AGM MR2.
6.1 Représentation polaire d'un cardioïde de premier ordre et d'un cardioïde de deuxième ordre.
6.2 Comparaison linéaire entre un cardioïde de premier ordre et un cardioïde de deuxième ordre.
INTRODUCTION
Contrairement à ce que l'on constate pour la perception visuelle, qui est hémisphérique, notre champ de perception auditive est beaucoup plus vaste: il est en effet totalement sphérique. Il semble pourtant que les systèmes électroacoustiques courants n'exploitent pas cette caractéristique de notre perception auditive et offrent à l'auditeur une reproduction de l'espace sonore qui est tronquée. Nous croyons toutefois qu'il est maintenant possible de capter un événement acoustique dans les trois dimensions de l'espace cartésien et de réémettre cette information dans un autre lieu, pour ainsi reproduire l'événement acoustique original dans ses trois dimensions. Cette reproduction tendrait donc à une meilleure exploitation des capacités de perception auditive sphérique de l'auditeur.
Cette idée soulève un certain nombre de questions concernant nos capacités d'appréciation de l'espace sonore tridimensionnel et les systèmes susceptibles de capter et de reproduire l'acoustique en trois dimensions. Par exemple, quelles sont nos capacités physiologiques de discernement angulaire face à un univers sonore où les sons peuvent provenir de toutes les directions? Est-ce que notre mode d'audition spatial dicte des critères et des méthodes de traitement d'information dans les systèmes susceptibles de capter et de reproduire le son en trois dimensions? Est-ce que ces critères et méthodes de traitement de l'information seraient plutôt dictées par les instruments existants (i.e. les transducteurs) et susceptibles d'être utilisés dans les systèmes électroacoustiques tridimensionnels? Est-ce que ces critères et méthodes de traitement de l'information, tributaires de notre mode d'audition spatiale ou des instruments utilisés dans les systèmes électroacoustiques, peuvent constituer une base d'évaluation et de comparaison commune à tous les systèmes et former ainsi un ou des modèles de description tridimensionnelle acoustique? Si un ou de tels modèles existent, quelles sont les performances de captation et de reproduction tridimensionnelles des systèmes électroacoustiques actuellement disponibles (i.e. stéréophonie, surround sound) en regard de ces modèles? Si les performances tridimensionnelles des systèmes électroacoustiques actuellement disponibles ne sont pas optimales en regard des modèles, quels seraient le ou les systèmes répondant le plus fidèlement possible à ces modèles?
En répondant à ces questions, nous voulons démontrer qu'il existe bel et bien deux modèles de description sonore spatiale permettant d'évaluer et de comparer tous les systèmes électroacoustiques. Ces deux modèles sont le modèle binaural et le modèle géométrique. Nous tenterons ensuite de démontrer que les systèmes relevant du modèle géométrique comportent un certain nombre d'avantages d'exploitation et de performances supérieures aux systèmes basés sur le modèle binaural. Nous voulons par ailleurs démontrer que c'est un système électroacoustique déjà existant, appelé Ambisonic, qui répond le plus adéquatement possible au modèle géométrique. Le système Ambisonic est de plus un système à architecture ouverte, ce qui nous permettra ainsi d'entrevoir les possibilités d'expansion et d'utilisation futures du système.
Notre approche sera à la fois technologique et historique. Nous voulons mettre au jour les modèles de description sonore spatiale à partir des expérimentations qui visaient pertinemment à explorer la facette de la spatialisation sonore dans les systèmes électroacoustiques. Pour être considérées dans notre analyse, ces expérimentations devaient inclure autant l'étape de captation que celle de la reproduction. Ce qui nous apparaissait le plus important était de viser le caractère d'universalité des systèmes. C'est pour cette raison que les systèmes développés en fonction d'oeuvres ou de créations sonores en particulier n'ont pas été considérés dans notre recensement. À l'aide des deux modèles ainsi dégagés, nous poserons un regard critique sur la pratique de l'enregistrement et de la reproduction sonores, depuis ses premiers balbutiements jusqu'aux développements technologiques les plus récents.
Par l'ensemble de notre démarche, nous espérons dissiper une certaine confusion qui règne présentement dans le domaine. Il y a d'abord l'industrie cinématographique qui nous propose un système électroacoustique en passe de devenir, à tort croyons-nous, une référence pour la spatialisation sonore. Il y a ensuite l'industrie de la haute-fidélité domestique qui, en galvaudant allégrement les termes, nous mène tout droit vers un appauvrissement du sens de mots comme stéréophonie ou tridimensionnalité. Il y a enfin l'hégémonie de l'image dans la culture populaire qui, par ses propres démarches de développement de son caractère tridimensionnel, risque d'imposer, c'est le cas de le dire, sa vision sur les paramètres d'exploitation de la tridimensionnalité sonore. C'est pourquoi nous espérons que ce mémoire contribuera à donner une perspective un peu plus juste de l'histoire et des développements possibles des procédés et systèmes d'enregistrement et de reproduction sonores en trois dimensions.
CHAPITRE 1 —>
CONCLUSION
L'idée initiale derrière ce mémoire était de vérifier notre théorie de l'interprétation géométrique des transducteurs dans l'espace de captation et de reproduction. Ce qui était d'abord une intuition s'est avéré exact dans la mesure où, généralement dans les même termes et pour les mêmes usages, nous avons retrouvé souvent mention de cette théorie dans la littérature, et par des auteurs ayant des cheminements intellectuels différents. Cette théorie devenait donc une base valable pour considérer l'ensemble des systèmes électroacoustiques prétendant à une forme de spatialisation sonore. Même si les capacités d'audition directionnelle de l'humain n'ont jamais fait de doute dans notre esprit, il était toutefois important de connaître la précision de l'audition directionnelle et ses mécanismes de fonctionnement. Nous devons avouer qu'une meilleure connaissance de ces mécanismes nous a permis d'apprécier à leur plus juste valeur les systèmes relevant de la théorie de la binauralité. Cette démarche, qui a aussi mené à l'identification des deux modèles de description d'information directionnelle, ne nous a tout de même pas permis d'identifier laquelle était la plus valable, ni celle qui aurait le plus de chance de dominer le marché dans l'avenir. Notre préférence vers les systèmes multicanaux est toutefois justifiée par ce que nous croyons être leur plus grande flexibilité d'utilisation et leur plus grand potentiel d'efficacité dans de larges volumes. À cet égard, la mise de l'avant du système Ambisonic n'a rien de gratuit et s'est faite à partir d'une analyse exhaustive de tous les éléments théoriques et pratiques qui s'y rattachent.
Mentionnons d'abord les microphones Soundfield et AGM MR2, qui sont des paradigmes d'ingénierie basée sur de solides théories. Nous croyons fermement que c'est le développement le plus significatif dans le domaine des transducteurs depuis les recherches historiques de Alan Blumlein sur la stéréophonie au début des années trente. Ensuite, le concept du format B Ambisonic est aussi une révolution en soi, puisque c'est vraiment une application non équivoque de la fin de l'analogie entre les canaux de transmission et les enceintes acoustiques. Le fait que le format B soit expansible, avec, par exemple, l'inclusion d'information sphérique de deuxième ordre, sans pour autant rendre désuètes les versions précédentes, est aussi exemplaire quant à l'implantation non sauvage d'une technologie. La philosophie de conception derrière Ambisonic permet aussi d'envisager le développement d'un format de transmission universel et hiérarchique, étant à la fois neutre pour les différents systèmes qui auront servi à l'encodage directionnel et permettant l'utilisation de décodeurs fonctionnant tous à partir des mêmes algorithmes psychoacoustiques de conversion.
Les déboires passés d'Ambisonic sont dûs à une conjugaison de différents facteurs, dont l'inertie des pouvoirs publics en Angleterre, mais les limites des designs analogiques comptent sûrement parmi les plus fondamentaux, et en même temps les moins discutés. La manipulation numérique de signal va donner à Ambisonic son second souffle et on peut déjà en voir les signes dans les nouvelles réalisations de compagnies qui étaient autrefois étrangères à cette technologie. À une époque où le concept de réalité virtuelle est un objet de recherches scientifiques et de curiosité publique, le système Ambisonic, et ses futurs développements, présente une alternative intéressante aux modèles de reproduction de la réalité où les fonctions sensorielles des utilisateurs sont isolées du monde extérieur. Sans en exagérer la portée, une telle oblitération des sens reste éthiquement discutable. Puisque le système Ambisonic peut recréer un espace acoustique, et n'est pas une transmission de ce que l'oreille devrait directement entendre, l'utilisateur dispose de la même liberté d'interprétation sensorielle que l'on retrouverait vis-à-vis un phénomène réel.
Plusieurs verront dans cette distinction une certaine trivialité, mais nous sommes persuadé que la reproduction auditive ou visuelle doit préserver cette liberté de préhension de l'univers. Au même titre que les reproductions d'oeuvres d'art, la reproduction sonore tridimensionnelle contribuera, comme le font déjà les médias électroniques conventionnels, à la distribution du savoir et de la culture. Savoir que la reproduction est une reproduction n'enlève rien à sa valeur et à sa capacité de transmettre connaissances et émotions, tout comme elle n'enlève rien à l'original parce qu'elle contribuera à faire connaître son existence. En augmentant la qualité de la reproduction, on augmente l'appréciation que l'on peut faire de l'original. Pour les oeuvres sonores, l'accroissement du réalisme spatial de la reproduction s'inscrit donc dans cette démarche et se justifie de cette façon. Maintenant, tout ce qu'il reste à souhaiter, c'est que les intérêts bêtement économiques des divers intervenants ne se matérialiseront pas dans des solutions et des technologies inférieures à ce que nous avons dorénavant la capacité de réaliser.